En marge de la 55ème session de la Commission économique pour l’Afrique à Addis-Abeba, en Éthiopie, l’équipe de communication de la CEA a interviewé le Directeur de la Division de l’intégration régionale et du commerce, Stephen Karingi, sur les progrès de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), trois années depuis son entrée en vigueur.
À quel stade en sont les pays en matière de ZLECAf ?
Nous sommes dans la phase d’échanges qui génère des revenus et le secteur privé profite de l’opportunité qu’offre la ZLECAf. Par exemple, le Rwanda exporte le café à valeur ajoutée vers le Ghana. Ledit café est commercialisé par une entreprise qui apporte son soutien aux femmes qui produisent du café. Le Kenya exporte des batteries vers d’autres pays africains dans le cadre de la ZLECAf. Le thé commercialisé du Kenya vers d’autres pays africains provient de petits exploitants agricoles ; ces échanges confirment que la Zone améliore les moyens de subsistance.
De 2022 à aujourd’hui, les échanges dans le cadre de la ZLECAf se déroulent et génère de l’argent que les bénéficiaires peuvent empocher de manière inclusive, ce qui inclut les petits exploitants agricoles et les femmes.
Mais ce n’est pas assez. Nous voudrions voir tous les 4 500 produits (répertoriés sous les codes tarifaires (90 %) être commercialisés dans le cadre de la ZLECAf), et ce entre les pays. Nous ne commercialisons actuellement qu’environ 100 produits. Si nous y parvenons, nous pouvons également inclure et commercialiser les produits sensibles restants dans le cadre de la ZLECAf.
Alors, quels sont les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la ZLECAf ?
De plus, de grands progrès ont été réalisés avec le secteur privé qui tire parti au maximum des avantages de la ZLECAf. Nous avons conclu les protocoles qui font fonctionner le marché. Et la politique d’investissement, les droits de propriété intellectuelle et la politique de la concurrence ont été entérinés. Ces protocoles supplémentaires ont été entérinés pour attirer plus d’investissements sur le continent car la ZLECAf a créé une zone d’investissement commune. En ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle, les pays peuvent breveter leurs produits et extraire plus de valeur. Jusqu’à présent, 47 pays ont ratifié leurs instruments de l’Accord sur la ZLECAf, 46 ont ratifié et déposé leurs instruments de ratification, sept pays ont signé mais doivent encore ratifier et un seul pays n’a toujours pas signé.
Que faut-il pour que les pays commercent dans le cadre de la ZLECAf ?
Les pays sont censés signer en premier lieu l’Accord, le ratifier et déposer les instruments de ratification. La deuxième étape consiste pour les pays à publier au Journal officiel le certificat d’origine de la ZLECAf, au Journal officiel le livre tarifaire afin que les douanes à la frontière puissent reconnaître ces marchandises et le certificat d’origine.
Quelle est l’importance du système panafricain de paiement et de règlement pour la ZLECAf ?
Le système panafricain de paiement et de règlement est censé permettre aux pays de commercer dans leur propre monnaie. Par exemple, si un commerçant éthiopien commerce avec un homologue nigérian, les deux banques centrales devraient pouvoir régler le paiement des marchandises qu’elles échangent sans se soucier du taux de change du dollar.
Un autre exemple concerne celui des fabricants qui importent des huiles alimentaires d’Égypte, pourquoi doivent-ils s’inquiéter du glissement de leur devise vers le dollar s’ils peuvent commercer avec la livre égyptienne ? Les pays doivent réfléchir à l’importation de leurs biens intermédiaires en provenance d’Afrique et voir si le système de paiement panafricain peut aider
Le système de paiement panafricain est censé éliminer le stress des pays qui s’inquiètent du taux de change entre pays. Dans cet exemple, il s’agit du taux de change entre le Naira et le dollar ou celui entre le Birr/dollar et le Naira. Cependant, l’adoption du système de paiement panafricain dépendra de la stabilité de ces devises, car si vous n’avez pas les bons fondamentaux macroéconomiques et la convergence, cela ne peut pas fonctionner.
Le domaine à surveiller pour les pays concerne la convergence macroéconomique. L’un des domaines à examiner est la coordination budgétaire, les soldes des comptes courants de leur réserve, ce qui a une incidence sur le taux de change. C’est une situation difficile lorsqu’un pays importe plus qu’il n’exporte et que son solde budgétaire est énorme.
Pourquoi les pays commercent-ils toujours moins même lorsqu’ils mettent en œuvre la ZLECAf ?
Notre commerce doit se développer par rapport à l’Asie, l’Europe, l’Amérique latine qui ont approfondi leur intégration régionale. La ZLECAf tente de résoudre ce problème en encourageant les pays à supprimer les barrières non tarifaires qui constituent une contrainte majeure au commerce intra-africain. Le problème de connectivité est toujours un problème. Lorsque le thé kenyan est d’abord exporté du Kenya vers Singapour, puis vers l’Afrique de l’Ouest, c’est une façon très coûteuse de faire des affaires.
Les pays africains produisent-ils des produits similaires, donc moins de commerce intra-africain ?
Pour moi, ce n’est pas le cas. Les consommateurs africains aiment la variété. Il s’agit des normes, des tarifs et du coût du transport des marchandises. À l’heure actuelle, les commerçants de la plupart des pays ne disposent pas de chaînes de valeur et de chaînes d’approvisionnement régionales. Une chaîne d’approvisionnement régionale a besoin de financement. Mais si vous n’avez pas l’argent, alors les gens réclameront le dernier tronçon et s’approvisionneront ailleurs. Les consommateurs veulent voir le produit qu’ils préfèrent en permanence. Cela a à voir avec la production et la capacité de fournir ce produit constamment. Les entreprises ne sont pas en mesure de maintenir ce type d’approvisionnement si elles n’ont pas les moyens financiers, car certaines de ces entreprises sont petites.
La question des produits sensibles a-t-elle été abordée dans le cadre de la ZLECAf ?
Le problème a été résolu lors de la conclusion du protocole. Dans le cadre de la ZLECAf, nous avons ce que nous appelons une double qualification, selon laquelle lorsqu’un pays fait une offre au secrétariat de la ZLECAf, l’offre doit pouvoir couvrir 97 % des lignes tarifaires et du commerce. La question des produits sensibles perd alors sa capacité à entraver les échanges. Les lignes tarifaires et le total des échanges couverts doivent être les mêmes.
Comment la CEA aide-t-elle les pays à formuler et à mettre en œuvre leurs stratégies de ZLECAf ?
Les institutions, les partenaires et les gouvernements doivent travailler ensemble pour développer ces stratégies. Pour les pays disposant de ressources financières suffisantes, ils peuvent financer leurs stratégies à travers leurs budgets. Mais dans le cas où ils manquent de ressources, ils doivent engager des partenaires et le secteur privé pour un soutien financier. Nous aidons les pays à identifier les produits qu’ils peuvent échanger et à trouver les financements nécessaires pour mettre en œuvre leurs stratégies.
Par exemple, la CEA aide la Côte d’Ivoire qui avait besoin d’aide sur le mécanisme des stratégies de la ZLECAf. Nous travaillons actuellement par l’intermédiaire de notre Bureau sous-régional à Niamey, en partenariat avec l’ITFC, pour aider le secteur privé à identifier les secteurs prioritaires dans le cadre de la ZLECAf. Au Kenya, nous aidons les fabricants de produits pharmaceutiques à relever les défis de l’industrie et à attirer des financements supplémentaires des institutions financières afin qu’ils puissent se développer et vendre dans le cadre de la ZLECAf.
Nous prévoyons d’avoir un groupe d’apprentissage par les pairs sur les stratégies de la ZLECAf afin d’aider les pays à apprendre de ceux qui ont développé leurs stratégies et comment ils utilisent leur expérience.